Parce que nous avons eu peur pour eux
Hier soir, le croirez-vous... le soleil s'est couché.
Accompagnant le coucher du soleil, les aboiements du chien (que nous appellerons Titus) de nos voisins d'en face (que nous appellerons Dupuis) se font entendre. Ils ne sont pas gênants, ils signifient simplement : «Peste, le soleil se couche et mes maîtres sont absents».
Plus inhabituel, les aboiements se prolongent après le dîner, alors que la nuit est déjà bien noire... et la lumière brille dans la salle de bains des Dupuis.
La mère de mes enfants, qui ne l'avouera jamais, est membre des services secrets de notre pays. Elle n'a donc pas manqué de souligner le côté inhabituel de la chose, chose dont je ne manquai pas moi-même de souligner le côté inhabituel.
Une demi-heure s'étant écoulée, nous nous sommes risqués à aller sonner à la porte. Quitte à nous trouver bêtes, autant en avoir le cœur net. Pas de réponse. Silence total après une nouvelle série de jappements de Titus répondant fort logiquement au coup de sonnette. Et toujours la lumière dans la salle de bains.
Ma douce essaie d'ouvrir la porte, et les yeux exorbités, me dit : «c'est ouvert !»
C'est là que j'ai vraiment eu peur et laissé mon imagination partir en vrille : Monsieur Dupuis nous aurait rejoué la grande scène de Claude François dans sa baignoire ? Madame Dupuis aurait été enlevée par une bande de terroristes internationale ou un drogué du coin ?
Je pousse la porte et j'entre. Un porte-clés tinte en s'agitant à la clé de maison restée sur la serrure à l'intérieur.
J'actionne l'interrupteur du vestibule. En vain...
Je me dirige à tâtons vers la salle de bains en appelant à plusieurs reprises : «Y a quelqu'un ?»
J'ouvre la porte de la salle de bains non sans appréhension... vide.
Rien dans la cuisine. Rien dans le séjour. Je n'ose pas aller dans le garage où bricole généralement Monsieur Dupuis : je n'ai pas trop envie de me confronter à Titus - cette fois furieux - en traversant la cour. Je n'ose pas monter à l'étage, déjà que je crains d'avoir déclenché un système d'alarme...
Je ressors.
Mon espionne préférée me précise que je m'étais trompé en tentant de faire de la lumière dans l'entrée, et que j'avais joué avec le commutateur de l'éclairage extérieur, ce qui me rassure à demi.
Que faire ? Appeler les forces de l'ordre ?
Le fils Dupuis habite dans le village, pas très loin de chez nous, nous décidons d'aller voir si ses parents ne seraient pas tout simplement chez lui... ou lui demander conseil sinon.
... devant sa maison, la petite Peugeot de Mme Dupuis nous rassure à moitié.
... et, bien sûr, toute la petite famille est là, les parents qui étaient juste venus dire bonjour en coup de vent avaient été invités et donc retenus à dîner.
Nous les avons quittés alors qu'ils commençaient gentiment à se chamailler pour savoir qui avait oublié de fermer la porte à clé et qui avait laissé la lumière dans la salle de bains, et de plus fermement décidés à tancer le pauvre Titus qui fait tant de bruit.